L’accompagnement psychologique des populations migrantes et exilées pose des défis particuliers en matière de communication. En effet, le recours à des interprètes qualifiés s’avère indispensable pour garantir une compréhension mutuelle entre le psychologue et le patient. Cet article explore donc les enjeux et les bonnes pratiques liés à l’interprétariat en psychologie transculturelle.
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Adapter la langue et la culture : un défi majeur
Tout d’abord, la traduction des émotions, des traumatismes et des expressions culturelles constitue un défi majeur pour les interprètes. Il ne s’agit pas simplement de transposer des mots d’une langue à l’autre. Il faut aussi transmettre le sens profond du récit du patient, en tenant compte de son contexte culturel spécifique.
De plus, l’éclairage culturel apporté par l’interprète aide le psychologue à distinguer ce qui relève de la pathologie de ce qui est intrinsèquement lié à la culture du patient. Par exemple, bien qu’universelle dans sa nature, la dépression se manifeste différemment selon les cultures. Un interprète sensibilisé aux spécificités culturelles peut donc alerter le psychologue sur des manifestations atypiques de la dépression chez un patient issu d’une culture différente.
Enfin, il est fondamental que l’interprète respecte scrupuleusement le récit du patient sans jamais chercher à le forcer ou à l’orienter.
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L’interprète au cœur de la relation thérapeutique : un rôle délicat
L’interprète occupe une position centrale dans la relation thérapeutique. Cependant, il doit maintenir une posture de neutralité et d’effacement pour favoriser l’alliance entre le psychologue et le patient.
Bien que l’effacement total demeure impossible, car l’interprète fait partie intégrante du système thérapeutique, sa présence influence inévitablement la dynamique de la séance. Ainsi, l’utilisation du « je » pour traduire les propos du patient préserve la relation duelle entre le patient et le psychologue.
Par ailleurs, l’interprète doit savoir gérer avec tact les silences et les difficultés d’élaboration du patient sans intervenir de manière inappropriée. Il ne doit en aucun cas prodiguer des conseils au patient, même avec les meilleures intentions.
Enfin, lorsque le psychologue sollicite l’interprète pour obtenir des éclaircissements culturels, cet échange doit impérativement se dérouler en dehors de la présence du patient.
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Empathie et interprétariat : un équilibre subtil
L’empathie constitue une dimension essentielle de la relation thérapeutique. Toutefois, l’empathie de l’interprète nécessite une gestion précautionneuse pour ne pas interférer avec le travail du psychologue.
En effet, l’empathie du psychologue est perçue directement par le patient et ne requiert pas de traduction par l’interprète. Cependant, certaines expressions culturelles, comme l’invocation de Dieu dans la langue arabe, peuvent être interprétées par le patient comme des marques d’empathie de la part de l’interprète. Cette dimension mérite donc une attention particulière.
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Prévenir le traumatisme vicariant : protéger l’interprète
L’interprète en psychologie transculturelle fait face à des récits de souffrance et de traumatisme pouvant avoir un impact émotionnel considérable. Le risque de traumatisme vicariant et d’épuisement professionnel est donc bien réel.
Il s’avère alors essentiel de mettre en œuvre des protocoles de débriefing permettant aux interprètes d’exprimer leurs ressentis et de bénéficier d’un soutien psychologique si nécessaire. Le débriefing peut être conduit avec le psychologue ou un autre professionnel qualifié.
De plus, l’interprète doit pouvoir solliciter un débriefing dès qu’il en ressent le besoin. Il est également crucial de prévoir des temps de pause entre les séances pour permettre à l’interprète de se « décharger » émotionnellement. Des techniques de respiration, de relaxation ou d’expression créative peuvent aussi s’avérer bénéfiques.
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Collaboration et formation : des clés pour une meilleure prise en charge
Une collaboration étroite entre psychologues et interprètes s’avère indispensable pour garantir la qualité de l’accompagnement des patients migrants et exilés.
D’une part, les psychologues doivent être sensibilisés aux particularités culturelles des patients et aux défis spécifiques de l’interprétariat en psychologie transculturelle. D’autre part, les interprètes doivent pouvoir signaler au psychologue toute confusion ou incompréhension d’ordre culturel.
Enfin, la formation continue s’impose comme une nécessité tant pour les psychologues que pour les interprètes, afin de développer leurs compétences transculturelles et d’optimiser la qualité de leur collaboration.
Conclusion
En conclusion, l’interprétariat constitue un maillon essentiel de la chaîne de soins en psychologie transculturelle. Il permet de créer un espace de communication authentique entre le psychologue et le patient, favorisant ainsi la compréhension mutuelle et l’établissement d’une relation thérapeutique solide. La collaboration interprofessionnelle, la formation continue et l’instauration de protocoles précis représentent donc des éléments clés pour garantir l’excellence de l’interprétariat et assurer la protection des professionnels impliqués.